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30.05.2017 — 10:30

Ramon Alabern i Moles (1811-1888)

María de los Santos García Felguera. Professora titular d’Història de l’art i de la fotografia a la Universitat Pompeu Fabra

"Ramon Alabern lo gº (graver)" Gravure La Plaza del Rey, fait à partir d'un daguerréotype, dans le livre España: obra pintoresca en láminas ya sacadas con el daguerrotipo, ya dibujadas del natural grabadas en acero y en boj. Cataluña, avec le texte par Francesc Pi i Maragall, publié à Barcelone en 1842.

La personne qui réalisa le premier daguerréotype à Barcelone le 10 novembre 1839 à Pla de Palau s’appelait Ramon Alabern i Moles, né à Begues (Barcelone) le 18 décembre 1811 au sein d’une famille de graveurs1. Ramon était le cadet de Pau (1804-1860), le petit-fils de Pere Pascual Moles Coronas (1741-1797) – le graveur de Valence qui fut le premier directeur de la nouvelle École de dessin de la Junta de Comerç Llotja – et le fils de Mariana Moles et Pau Alabern, « maître royal de premières lettres », d’après le livre de baptêmes.

Il existe une grande confusion autour du prénom, des noms et des données de Ramon, non seulement dans les livres d’histoire de la photographie mais aussi dans ceux de gravure. Si les premières biographes, contemporains de l’artiste, comme Manuel Ossorio y Bernard (Galería biográfica de artistas españoles del siglo XIX, Madrid, Madrid 1883-1884) et Antonio Elías de Molins (Diccionario biográfico y bibliográfico de escritores y artistas catalanes del siglo XIX, Barcelone 1889) recueillirent correctement son prénom et ses deux noms, l’erreur la plus habituelle est de l’appeler Ramon Alabern Casas, en lui attribuant ainsi le deuxième nom d’un neveu (Camilo, 1825-1876), fils de Pau et graveur lui aussi. Mais la recherche pour l’exposition El daguerreotip. L’inici de la fotografia (Barcelone, 2014) nous a permis d’éclaircir cet aspect, de situer Ramon dans le temps grâce à des documents incontestables et de tracer son parcours professionnel dans les grandes lignes.

Alors que ses frères naquirent à Barcelone et furent baptisés à l’église de Santa María del Pi, Ramon naquit et fut baptisé à Begues, peut-être à cause de la Guerre napoléonienne et du fait qu’en 1811 le petit village de Begues (situé dans le canton du Baix Llobregat, à 25 kilomètres de Barcelone et relativement isolé dans la montagne) serait un endroit plus sûr pour la famille Moles que la capitale.

PI I MARGALL, F; RIGALT, Lluis [et alt.] (1842). España: obra pintoresca en láminas ya sacadas con el daguerrotipo, ya dibujadas del natural grabadas en acero y en boj. Cataluña. Libro, 71-72 pgs. Extrait de: http://mdc.cbuc.cat/cdm/ref/collection/llibimps19/id/52778

Ramon se forma à l’école de la Llotja, où il étudia de 1825 à 1833, obtenant des prix pour des « figures copiées de conception et d’étampes » et de « dessin de modèles en plâtre » comme le recueillent les Livres d’inscription de cette institution. Suivant l’exemple de son grand-père comme cela se faisait chez les jeunes souhaitant devenir artistes dans les années trente du xixe siècle, Ramon voyagea à Paris où il étudia la gravure cartographique et, d’après Ossorio y Bernard (Galería biográfica,1883-1884), il réalisa quelques travaux au « Dépôt de la Marine », ce que nous n’avons pas pu vérifier car (apparemment) il n’existe pas de documents au Service historique de la Défense dont dépend l’ancien Dépôt Général des Cartes et Plans de la Marine et des Colonies. Le fait est qu’en 1839, quand Daguerre dévoila publiquement son invention, Ramon se trouvait à Paris ; il apprit l’utilisation du daguerréotype et réalisa certaines plaques, au moins une de l’église de La Madeleine, qu’il montra à Barcelone aux membres de l’Académie des sciences le 6 novembre.

Après être revenu à Barcelone, avoir fait les premiers daguerréotypes en 18392 et donné le cours, Ramon se consacra à la gravure avec son frère Pau ; et c’est ainsi qu’ils figurent tous deux dans les Guías de forasteros des années 1841 et 1842, parmi les « graveurs sur lame fine », « en acier, cuivre et eau-forte », installés à la Baixada de Viladecols3. Ramon fit des étampes pour le volume consacré à la Catalogne d’España Pintoresca (obra pintoresca en láminas ya sacadas con el daguerreotipo, ya dibujadas del natural, grabadas en acero y en boj por D. Luis Rigalt, D. José Puiggarí, D. Antonio Roca, D. Ramon Alabern, D. Ramon Saez, etc.) de Pi i Margall (publié à Barcelone en 1842). Entre autres choses, il élabora avec Pau les chalcographies pour Escenas de la revolución y bombardeo de Barcelona en el año 1842. Colección de láminas finas en 4º de marca mayor, publiées en 1843, avec des textes de Josep Puiggarí (1821-1903), qui fut aussi l’auteur des dessins sur les émeutes de novembre. Il effectua aussi avec Pau Alabern et Antoni Roca Sallent (c. 1800-1864) des gravures pour Historia de España desde el tiempo primitivo hasta el presente de Charles Romey traduit de l’anglais et édité par Antonio Bergnes de las Casas à Barcelone (1839-1845).

Ramon Alabern Moles épousa Josefa Raspall Padilla (1830-1879), avec qui il eut un fils à Barcelone en 1852 (José Alabern Raspall, 1852-1937), alors qu’il habitait au 25, rue de la Canuda, quatrième étage.

Cherchant probablement à faire carrière en tant que graveur indépendant de son frère Pau, qui était le maître de ce domaine en Catalogne, Ramon partit vivre à Madrid vers la fin des années cinquante, début des années soixante. D’une part, le 2 mai 1858 il fut le parrain du baptême d’une de ses nièces (Carmen Rosa Dolores), fille de Pau, à Barcelone ; d’autre part, les recensements de Madrid correspondant aux années 1875 et 1881, dans lesquels figurent Ramon et Josefa, signalent une date entre 1861 et 1863 quant au déménagement de ville.

À Madrid, Ramon Alabern Moles travailla tout le reste de sa vie comme graveur. Si au début de sa carrière à Barcelone il fit des gravures de monuments (La place du Rei dans Cataluña, de Pi i Margall, faite à partir d’un daguerréotype, ou la cour des Lions de Grenade et la Mosquée de Cordoue, pour Historia de España) et continua à faire des scènes avec des personnages, il se consacra alors surtout aux cartes, à l’illustration d’atlas, de livres de géographie et de méthodes de calligraphie anglaise et espagnole. Pour son travail cartographique, il fut en contact avec des militaires puisque dans le recensement de 1881 il écrit qu’il « fournit des services » au « Dépôt de la Marine » (une activité sur laquelle nous effectuons encore des recherches). À Madrid, il vécut dans le centre ville, dans le quartier de Juanelo, au 8, rue de la Cabeza (double), près de Lavapies.

Ramon mourut à Madrid le 28 janvier 18884 et fut inhumé au cimetière de la Sacramental de San Lorenzo y San José (dans un cercueil sous le nº 108 de la cour inférieure de San José, selon le registre nº 7639), dans une zone où les pierres tombales ont malheureusement disparu.

Son fils José Alabern Raspall, qui fut docteur en médecine, hygiéniste, médecin militaire et médecin des rois d’Espagne jusqu’en 19295, en plus de bibliophile, dessinateur et peintre (d’après Apel·les Mestres), réunit une bonne bibliothèque et probablement une collection de gravures et dessins mais sa mort en 1937 complique les recherches.

Maria de los Santos García Felguera. Professeur d'histoire de l'art et de la photographie à l'Universitat Pompeu Fabra.

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1. Ramon Domingo Manuel Alabern Moles, baptisé à l’église de San Christofol de Begues, le 20 décembre 1811, né « deux jours avant » (le 18), fils de Pau Alabern, « Maître Royal », originaire de Sant Baldiri de Llobregat (aujourd’hui Sant Boi) et de Marianna Molas (sic), originaire de Barcelone, habitant tous deux à Begas ; les parrains furent ses frères Joan et Francisca Alabern. Begues, Archives paroissiales, Livre de baptêmes, 1772-1857 (9A), nº 148.

2. María de los Santos García Felguera et Jep Martí Baiget, « Barcelona y la daguerreotípia », a El daguerreotip. L’inici de la fotografía, Barcelone, Mairie de Barcelone. 2014, pages 19-80.

3. Guía de forasteros de Barcelona, manual de agentes y de curiosidades, 1841, p. 165 ; Guía de forasteros de Barcelona y noticia de las quatro provincias de Cataluña, 1842, p. 32. Cf. : VERNEDA RIBERA, Meritxell. L’art gràfic a Barcelona. El llibre il·lustrat 1800-1843. Barcelone : thèse doctorale, Universitat Autònoma de Barcelona, 2012, p. 77 http://www.tdx.cat/bitstream/handle/10803/96724/01.analisi_a1800-1843.pdf?sequence=3

4. Archives de l’église de San Millán y San Cayetano (Madrid), Livre de décès, 1888, nº. 29. Les obsèques eurent lieu dans cette église le 4 février, La correspondencia de España, (Madrid), 4 février 1888.

5. Archives générales militaires de Segovia, Expediente de Don José Alabern Raspall. Liasse A-538 ; Francisco Soler y Garde, Homenaje del cuerpo de sanidad militar al doctor Alabern, Barcelone, 1929. La Vanguardia, 18 avril 1929.

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