Fotografia a Catalunya
Menu
×

Blog

15.03.2017 — 12:42

Le MacAndrews album de photographies du Musée Maritime de Barcelone

Laura Covarsí. Conservadora-restauradora de fotografia

Deux pages album photos MacAndrews Musée Maritime de Barcelone

L’album de photographies MacAndrews, des archives photographiques du Museu Marítim de Barcelona, contient des images des bureaux, des navires et du personnel de la compagnie maritime MacAndrews en Espagne et en Afrique du Nord. D’après le texte de la quatrième de couverture, cet album fut compilé et offert à la compagnie par A.J. Marks en 1949. Il fut ensuite donné par un particulier au Musée Maritime, avec un livre de comptabilité de la compagnie, mais nous ne savons pas exactement quand puisqu’il n’est pas accompagné d’une attestation de don (quoi qu’il en soit, la date du don est antérieure à 1994).

Cet album, de 20 x 26,5 cm (fermé), avec 27 feuilles perforées et relié avec une cordelette, contient 101 photographies de différents formats ainsi que procédés photographiques (DOP et POP) et photomécaniques (phototypie, héliogravure et letterpress halftone)1. Des inscriptions à l’encre décrivant le contenu des images figurent sur presque toutes les pages.

        Couverture de l'album

État de conservation

La reliure de l’album est très simple. Des couvertures dures perforées sur le côté avec une cordelette qui assemble les feuilles et la couverture. Le tissu bleuté des couvertures s’est détérioré, notamment sur le dos et les bords où des brins se sont détachés et ont perdu leur forme d’origine. À l’intérieur, les feuilles bleu-vert ont jauni sur les bords et se sont déchirées, en particulier dans la partie du pli du dos et une des pages s’est complètement dédoublée. Sur certaines feuilles, nous pouvons aussi apprécier que le support a partiellement disparu.

Les photographies de l’album se sont détériorées de manière différente selon le procédé photographique employé :

  • Les photographies POP ont acquis un ton violet ou verdâtre à cause de la sulfuration de l’argent ; elles ne présentent pas de miroir d’argent mais un effacement de l’image dans les zones les plus claires de la photographie.    
  • Les photographies DOP ont jauni en général et présentent un miroir d’argent dans les zones foncées.
  • Les photographies imprimées avec une technique photomécanique ont jauni à cause de l’acidification du papier.

Les DOP comme les POP présentent des tâches jaunâtres, des altérations du ton de l’image. Ces détériorations sont dues à un stockage inapproprié, dans des conditions ambiantes défavorables comme une humidité relative et une température élevées, en plus de la faible qualité des matériaux de l’album – du papier et du carton acide –, très endommagés avec le passage du temps. La colle appliquée sur les feuilles de l’album a aussi abîmé les photographies, qui présentent un effacement de l’image dans les zones où elle fut étalée. Cette colle semble avoir taché également la surface de certaines photographies. Nous pouvons aussi apprécier des taches sur la surface d’émulsion provoquées par une contamination chimique pendant le tirage.

                                     Tirant sur le jaune (DOP)

Intervention sur l'album 

Le traitement des albums photographiques est complexe. Il s’agit d’un objet précieux dans lequel les photographies ne sont pas isolées mais font partie d’un tout que nous ne pouvons pas dissocier. Outre les images, un album photographique montre les nombreuses décisions prises par la personne qui l’a compilé.  L’édition, l’ordre, les inscriptions… sont des éléments qui racontent une histoire ; les séparer supposerait une perte intellectuelle qui amoindrirait la valeur des images isolées. C’est pourquoi l’intervention sur un album doit être minimale, afin que les objets de l’ensemble restent toujours unis.

Pour ce qui est de la conservation préventive, l’album est aussi un objet complexe. Avec le temps, les éléments qui le composent (papier, cartons, colles, encres, pigments…) détériorent les photographies qui, bien que faisant partie d’un tout, sont toujours l’âme de ce tout. Si nous séparions les photographies d’un album pour les protéger des autres éléments (par exemple, de l’acidité du papier sur lequel elles sont collées), nous mettrions probablement en danger l’intégrité de la photographie et nous détériorerions les pages de l’album. C’est pour cette raison qu’une intervention sur un album photographique est habituellement minimale mais, évidemment, en effectuant toujours un nettoyage profond de tous les éléments et en plaçant des feuillets pour protéger les photographies (interleaving) des autres éléments de l’album.

Traitements de conservation et restauration  

Nous avons tout d’abord démonté la reliure afin de traiter chaque élément (couvertures, feuilles et photographies) de manière indépendante. Nous avons ensuite réalisé les tâches suivantes :

Le nettoyage des feuilles de l’album a été effectué avec de la poudre de gomme (caoutchouc synthétique) et à l’aide d’un coton. Avant le nettoyage, nous avons réalisé des tests pour vérifier que la gomme n’effaçait pas la couleur du papier ou les inscriptions à l’encre figurant sur toutes les pages.

Les photographies ont été nettoyées avec un pinceau à poils doux de type Hake et à l’aide d’un aspirateur de musée (Museum Vac). Certaines photographies présentaient des salissures dans l’émulsion. Elles ont été nettoyées avec de l’éthanol appliqué au coton-tige, ce qui a donné de bons résultats. Des restes de papier étaient collés sur la surface de certaines photographies ; nous les avons retirés au bistouri en humidifiant auparavant la zone avec le même solvant. Dans certains cas, il n’a pas été nécessaire d’humecter.

Nous avons nettoyé par humidification la décoration dorée de la couverture de l’album. Après avoir réalisé un test avec un coton-tige imprégné d’eau, nous avons observé que le pigment de la décoration dorée restait intact et que nous arrivions à retirer un peu de saleté.

Après avoir nettoyé les feuilles de l’album et les photographies, nous avons utilisé un aspirateur de musée (Museum Vac) pour retirer, notamment dans les plis de la reliure, les restes de gomme et la saleté de tous les éléments de l’album, à l’exception des photographies (que nous avions déjà aspirées).

Presque toutes les feuilles de l’album présentaient des zones déchirées à cause de l’utilisation et la fragilité du matériau. Pour consolider les feuilles, nous avons employé du papier japon et de la colle Tylose® MH30016 à une dilution de 40 gr/litre d’eau que nous avons appliquée au pinceau. Afin de minimiser l’impact visuel de la consolidation, nous avons dû teindre le papier japon dans une nuance similaire à la couleur des feuilles en papier. Nous l’avons fait avec des aquarelles. Après le séchage, et afin d’imiter davantage la couleur des feuilles, nous avons retouché les greffes de papier japon au crayon aquarellable (nous avons employé trois couleurs : jaune, marron et bleu).

Pour protéger les images et minimiser l’effet de l’acidité du papier des feuilles de l’album sur les photographies, nous avons placé des feuillets de papier conservation pour séparer chaque page (interleaving)2. Le papier employé comme protection est « Heritage Archival Photokraft White », 90 gr, du fabricant Conservation by Design3. Avant de placer les feuillets, nous avons vérifié que le dos de la reliure et la reliure elle-même supportaient bien l’épaisseur des feuillets que nous allions ajouter à la totalité de l’album.

Quand il sera définitivement déposé dans la réserve du musée, l’album sera dans des conditions ambiantes appropriées : 40 % HR et environ 18 º C. L’acidité du papier avec lequel l’album est fabriqué et les colles appliquées sur le papier, sur le carton extérieur et sur les photographies demeurent une menace pour les images, qui ne peuvent être retirées des feuilles de l’album, mais ces conditions ambiantes minimiseront la détérioration.

Numérisation de l'album 

L’album a été numérisé avec un appareil photographique. Nous avons employé de la mousse Ethafoam pour compenser la hauteur du dos de l’album lors de sa reproduction ouvert. La gestion de la reproduction de la couleur a été réalisée avec ColorCheker.

   Ethafoam utilisé pendant la numérisation 

Laura Covarsí.

LIRE PLUS D'ARTICLES

1. Gawain Weaver a publié une excellente ressource pour l’identification de ces procédés photomécaniques. Vous pouvez le consulter et télécharger sur ce lien : http://gawainweaver.com/images/uploads/Process_ID_Chart_Photomechanical.pdf [Consult. Juin 2016]

2. PAVÃO, Luís – Conservación de Colecciones de Fotografía. Éd. Comares, Grenade. 2001. ISBN 84-86944-38-4 P. 193

3. Le papier Heritage Archival pHotokraft - White est 100 % alphacellulose, pH 7.5 - 9.5 et contient une réserve alcaline. Il respecte les normes PAT, Silver Tarnish Test ASTMD2043 et ISO 9706:1994. Fiche technique du produit : http://www.conservation-by-design.com/pdf/CXD031.pdf [Consult. Juin 2016].

Antérieur
Suivant