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28.01.2016 — 17:05

L’appareil photographique Daguerre-Giroux de la Real Acadèmia de Ciències i Arts de Barcelona.

Martí LLorens i Rebecca Mutell

Rafel Forga réalisant les travaux de restauration de l’appareil photo. Photographie : © Martí Llorens / Factoría Heliográfica. 2015

INTRODUCTION

« J’ai trouvé le moyen de fixer les images de la chambre obscure !
J’ai saisi la lumière au passage et je l’ai enchaînée !
J’ai forcé le soleil à me peindre des tableaux ! »

C’est avec ces mots que le peintre et chef d’entreprise Louis-Jacques-Mandé Daguerre (1787-1851) fit irruption un jour de 1824 dans la boutique de son fournisseur habituel de lentilles, au Quai de l'Horloge de Paris, l’opticien Vincent Chevalier et son fils Charles, bien connus pour la construction de microscopes et de télescopes.1

Quelques années plus tard, Charles Chevalier écrivit dans ses mémoires que, peut-être, Daguerre, avait crié victoire un peu trop tôt 2. Car ce n’est que vers 1835, dans une publication dénommée Journal des Artistes, que l’on parla pour la première fois du fait que Daguerre avait trouvé la manière de fixer sur une plaque préparée par lui, l’image produite par la chambre noire..."3. Deux ans s’étaient déjà écoulés depuis la mort de l'inventeur Joseph Nicéphore Niepce (1765-1833) avec qui Daguerre avait travaillé sur la possibilité de fixer les images de la chambre obscure.

La communication officielle du procédé complet de daguerréotype, le premier procédé photographique de l’histoire faisable opérationnellement et commercialement, fut faite le 19 août 1839 à l'Académie des Sciences de Paris, par le scientifique et politicien François Arago (1786-1853). Trois mois plus tard, lors d'un acte public organisé par la Real Acadèmia de Ciències i Arts de Barcelona, RACAB, la première séance photographique en Espagne eut lieu. Utilisant un appareil photo modèle Daguerre-Giroux acquis à Paris, le graveur Ramon Alabern i Moles (1811-1888) obtint un daguerréotype avec une vue de deux bâtiments du Pla de Palau de Barcelone. Le scientifique et médecin Pere Felip Monlau i Roca (1808-1871), membre de la RACAB, joua un rôle majeur dans cette photographie historique puisqu’il organisa l’achat de cet appareil pour  Alabern.

En 2014, le 175e anniversaire de cette première photographie fut commémoré. Ce fut le thème de l’exposition El Daguerreotip. L’inici de la fotografia, organisée par l’Arxiu Fotogràfic de Barcelona. Son catalogue apporte de nouvelles informations sur cet événement et sur la figure de Ramon Alabern.4 La RACAB  conserve depuis 1839 l’appareil photo avec lequel fut obtenu ce premier daguerréotype, aujourd’hui disparu.5

DE LA CHAMBRE NOIRE À L’APPAREIL PHOTOGRAPHIQUE

Au début du XIXe siècle, la chambre noire portable, un instrument optique bien connu depuis le XVIIe siècle, devint un appareil photographique. Avec ce nouvel appareil, il ne s’agissait plus de voir passer le monde en mouvement à travers un écran en verre dépoli et éventuellement tracer une esquisse avec un crayon sur une feuille de papier. L’intention était de capturer cette scène vue sur le verre, sa lumière reflétée. Il fallait savoir comment faire une impression sur un support photosensible, capable de fixer la lumière et obtenir ainsi une image à l’arrêt et permanente du monde.

Cette nouvelle et révolutionnaire opération demanda non seulement l'étude et l’application attentive de la chimie et de l’optique. Elle fut aussi le résultat d'une autre manière de concevoir le monde, d’une nouvelle pensée, d'un nouveau regard, qui convergea en Europe au début du XIXe siècle. Cette nouvelle étape exigea aussi un nouvel instrument optique conçu pour prendre des photographies et non pas des dessins. Le premier modèle d’appareil photographique mis en vente fut Le Daguerréotype, en 1839.

LE DAGUERRÉOTYPE

Le Daguerréotype fut le premier équipement photographique commercialisé au monde. Conçu par Daguerre, il fut vendu à Paris par Alphonse Giroux et Cie. et Susse Frères, avec un  objectif  construit par Chevalier et, ensuite, également par Lerebours.

L’invention de Daguerre connut un succès immédiat, bien que l’appareil avec l’équipement complet fût très lourd et son prix, 400 francs,  élevé pour l’époque. Apparemment, à peine une douzaine d’appareils de ce type ont été conservés jusqu’à nos jours, tous exposés dans des musées et des institutions scientifiques.  

L’APPAREIL PHOTOGRAPHIQUE DAGUERRE-GIROUX nº 178

L’appareil photo de la RACAB inclut le sceau de garantie du vendeur Alphonse Giroux et Cie. Il est signé par Louis Daguerre et le nº 178 y est apposé ; son état de conservation est très bon. Du reste de l’équipement, la boîte des produits chimiques et la boîte de conservation des plaques ont été conservées. Cet équipement, une pièce fondamentale pour l’histoire de la Science, de la Technique et de la Photographie, comporte d’autres circonstances qui le rendent unique :

– C’est avec ce premier appareil photo qu’a été obtenue, comme le disait l’affiche d’annonce de 1839, la première vue prise en Espagne par la merveilleuse procédure du Daguerréotype.

C’est pourquoi il possède une valeur aussi bien symbolique qu’historique, pour notre ville et pour notre pays.

– L’appareil photo de la RACAB et celui du département de Physique de l’Université d’Uppsala, Suède, acquis en 1841, semblent être les seuls de leur typologie à appartenir encore à la même institution qui les acquit au XIXe siècle.

–La réalisation d'une séance photographique publique afin de prendre la première photographie dans un pays semble être un cas unique dans l’histoire de la Photographie.

LE PROJET DE RESTAURATION ET DE RECHERCHE

Le photographe Martí Llorens, diplômé de l’école des Beaux Arts de l’Université de Barcelone, et la photographe Rebecca Mutell, docteur en Beaux Arts par l’Université de Barcelone, dirigent le projet de restauration et de recherche relatif à cet équipement photographique. Intéressés par la recherche, l’enseignement et la pratique artistique moyennant des procédés photographiques historiques, ils travaillent ensemble à ces contenus sous le nom de Factoria Heliogràfica.

La première phase a consisté dans la restauration de cet équipement afin d’en garantir la conservation correcte dans le futur. Ce travail a été effectué par Rafel Forga, diplômé de l’école des Beaux Arts de l’Université de Barcelone, spécialisé dans la restauration d’équipements photographiques du XIXe siècle et la construction d’équipements pour la pratique de procédés photographiques historiques.

La restauration de l’appareil photo Daguerre-Giroux de la RACAB a été narrée dans une pièce audiovisuelle dirigée par Lalo García  et produite par Txell Sabartés.

Finalement, le financement pour réaliser ce travail de restauration a été aimablement apporté par Valérie de Marotte et Vicenç Boned, collectionneurs d’art qui, jusqu’il y a un an, dirigeaient la galerie de photographie Tagomago à Barcelone.

Maintenant que la restauration est achevée, notre objectif est d’effectuer une recherche à caractère pluridisciplinaire afin de rendre plus visible l’appareil photo de la RACAB au sein des appareils photographiques de cette classe conservés dans le monde entier et de générer de nouveaux contenus théoriques contribuant à la construction du récit historique sur les origines de la production photographique de notre pays.

En définitive, il s’agit d’évaluer et de projeter dûment ce qui peut être qualifié comme le point 0.0 de l’Histoire de la Photographie de notre pays.

Si nous pensons à cette première photographie obtenue au Pla de Palau de Barcelone par le graveur Ramon Alabern en 1839, il est émouvant et surprenant de savoir qu’en 2014, selon Google et via le site Sightmaps, Barcelone a été la troisième ville la plus photographiée au monde, après New York et Rome.

Martí LLorens et Rebecca Mutell
Barcelone, janvier 2016.

Légendes :

1 GERNSHEIM, Helmut and Alison- L.J.M.Daguerre. The world first photographer. The World first photographer. The World Publishing Company, Cleveland and New York, 1956. Page 47.

2 CHEVALIER, Arthur. Étude sur la vie et les travaux de Charles Chevalier, ingénieur opticien. Imprimerie Bonventure et Ducessois. Paris, 1862. Pages 139-147.

3 Journal des Artistes. 27 septembre 1835. Page 203.

4 TORRELLA Rafel, GARCÍA FELGUERA, Mª de los Santos, MARTÍ BAIGET, Jep, FERRER, Joan.  El daguerreotip. L’inici de la Fotografia. Ajuntament de Barcelona, Arxiu Fotogràfic de Barcelona, Institut de Cultura de Barcelona. Barcelone, 2014.

5 Concernant les débuts de la photographie en Espagne, Cf. RIEGO, Bernardo. La introducción de la fotografía en España. Un reto científico y cultural. CCG Edicions. Centre de Recerca i Difusió de la IMATGE, CRDI. Ajuntament de Girona. Gérone, 2000.

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