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23.01.2018 — 09:58

Le groupe "EL MUSSOL" et Josep Maria Albero

Josep Maria Cortina

Les huit membres du groupe Le Mussol. Les Planes

Le Mussol fut un groupe de huit amateurs de photographie formé au début des années soixante, à cheval entre Terrassa et Barcelone. Antoni Boada et Josep Maria Albero sont les deux seuls membres vifs du groupe. Albero, encore en pleine activité, il nous a expliqué comment naquit le Mussol et quelles furent ses expériences.

Josep M. Albero, Antoni Boada et Josep Bros étaient trois jeunes de Terrassa – auxquels s’ajouta plus tard Jordi Vilaseca – qui partageaient une grande passion pour la photographie et qui, en 1958, présentèrent leur première exposition collective. Encouragés par le succès, ils en organisèrent une deuxième, en 1960, au casino de Terrassa ; une exposition qui fut également présentée à la Royale Société Photographique de Madrid et finalement à la Galerie Aixelà de Barcelone. Suite à ces expositions, Josep Maria Casademont, Directeur de la Galerie Aixelà de la Rambla de Catalunya de Barcelone et grand promoteur de la photographie ces années-là, leur permit de connaître d’autres jeunes photographes barcelonais : Joan Colom, Jordi Munt, Ignasi Marroyo et Enric Garcia Pedret. Ainsi naquit une relation stimulante, avec des rencontres, des échanges d’idées et de connaissances qui se concrétisa dans une première exposition du groupe dans la galerie Aixelà en 1960 où chacun y accrocha dix photographies.

Ils décidèrent d’appeler le groupe Le Mussol car, selon ses explications, il s’agit d’un oiseau qui depuis les hauteurs regarde fixement avec les yeux ouverts et perçoit tous les détails. Une bonne métaphore pour représenter le regard des photographes.

Il est vrai que l’activité photographique est un acte de nature individuelle, mais il est également vrai que souvent les photographes ressentent le besoin de partager leurs idées et projets avec des collègues qui peuvent les comprendre et en même temps les stimuler. Ce fut le cas de ces jeunes qui se réunissaient les dimanches matin dans un restaurant extérieur de Les Planes, à mi-chemin entre leurs respectives villes de résidence. Là, tout en déjeunant, ils montraient leurs photographies, qu’ils développaient en noir et blanc dans des laboratoires domestiques, les critiquaient et déchiraient même celles qui n’étaient pas assez bonnes. La photo collective ci-dessous fut justement prise, selon Josep Maria Albero, sur l’un des bords de la gare de chemin de fer à Les Planes, avec un appareil photo et un trépied placés sur la voie de train... 

 

En 1962, Casademont, toujours désireux de stimuler la création de groupes photographiques, leur proposa de réaliser un travail au caractère plus collectif. Les membres du groupe devaient photographier, chacun dans son style, un même événement. Ils choisirent le rallye de Sitges où ils se rendirent en train, en voiture ou en vespa. Ensuite, également ensemble, ils décidèrent les images qu’ils exposèrent en 1962 à Aixelà.

Le Mussol ne fit aucune autre exposition collective, mais, cependant, ses membres indiquaient leur appartenance au groupe dans leurs expositions individuelles. Certains de ses membres – Colom, Albero et Marroyo – furent des membres actifs de la très prestigieuse Association Photographique d’Almeria, AFAL.

 

Membres du Mussol, déjeunant à Les Planes. 1963. Photo : Josep M. Albero

 

À partir de 1965, les rencontres à Les Planes furent moins fréquentes car tous les membres avaient des responsabilités familiales et professionnelles qui réclamaient leur attention ; ils étaient des amateurs de photographie, mais ils gagnaient leur vie dans différentes activités. Seul Marroyo, bien plus tard, au début des années 70, se dédia professionnellement à la photographie depuis son studio installé à Rubí ; de plus, lui et Colom collaborèrent occasionnellement avec certaines revues et publications graphiques, dont Correo Catalan. Les dernières rencontres eurent lieu en 1980.

La plupart des membres du groupe avaient une nette prédilection pour la photographie documentaire qu’ils essayaient de renouveler en fuyant les postulats pictorialistes si habituels encore à l’époque, le « salonisme » comme on disait alors. Les rues des quartiers périphériques de la ville, les fêtes populaires, les processions de Pâques, les terrains de sport ou les marchés étaient quelques-uns des terrains d’action préférés.

Dans un entretien concédé à un journal de l’époque et reproduit dans le numéro 36 de la Revue Photographique AFAL1, ils disaient « Nous ne préconisons pas l’abstrait ni l’impressionisme. Ce qui nous passionne c’est le concret, ce qui est défini et nous nous y dévouons corps et âme ».

De plus, l’entretien que Jordi Ribalta fit à Albero, Boada et Marroyo pour le livre-catalogue « Jo Faig el carrer », édité à l’occasion de l’exposition anthologique de Joan Colom au MNAC, en 2013, est très intéressant car il explique en détail ses expériences et sa forme de comprendre la photographie.2

Cette magnifique exposition présenta une salle dédiée au Mussol avec la présence de ses membres et le livre-catalogue dédie un chapitre entier au groupe. Malgré la courte durée de son existence, le Mussol laissa son empreinte dans la photographie de la seconde moitié du XXe siècle, à une époque à laquelle fleurissaient aussi d’autres groupes photographiques rénovateurs comme la mentionnée AFAL d’Almeria ou le groupe madrilène « La palangana ».

 

Josep Maria Albero 2017.Photo : Josep M. Cortina

 

Josep Maria Albero initia sa passion pour la photographie en tant que membre du Groupe Photographique du Casino du Commerce de Terrassa et plus tard il fut l’un des fondateurs du Mussol, aujourd’hui son dernier témoin vivant. Cependant, curieusement, comme il le manifeste dans ledit entretien : « J’étais un cas à part ». Effectivement, en conversant avec lui, il nous explique qu’il faisait de la photographie documentaire parce que dans ces années-là c’était une ligne innovatrice et parce que ses collègues la pratiquaient et, d’une certaine manière, ils l’entraînaient dans leurs sorties. Mais dès le début son style et sa manière de concevoir la photographie étaient différents. Il s’intéressait clairement pour la photographie non figurative, davantage tournée vers le terrain de l’abstraction. C’est pourquoi il photographiait des textures, des reflets d’eau et toute sorte de surfaces que son regard transformait en scènes et paysages irréels.

 

Vision 81 1967. Photo : Josep Maria Albero
 

Albero considère que son maître est le photographe allemand Otto Steinert, promoteur du courant de la photographie subjective. « Quand j’ai eu dans les mains un de ses livres, dit-il, j’ai compris que c’était le genre de photographie que je voulais faire ; Steinert m’a marqué ».

 

Schindeln. Schwarzwald 1956. Photo : Otto Steinert

 

Les postulats théoriques du groupe Fotoform, fondé par Steinert, se distinguaient clairement de ce que l’on peut dénommer la photographie reproductive, qui a un sens pratique et qui vise à enregistrer fidèlement l’apparence optique de l’objet. La photographie subjective, par contre, se veut libre et créative, elle va au-delà de l’objet et le transcende en renonçant à la reproduction de la réalité pour s’aventurer dans le terrain de la création absolue. Tel est l’esprit de l’œuvre d’Albero qui soutient qu’environ quatre-vingt-dix pour cent de son œuvre se trouve dans cette ligne esthétique et conceptuelle.

Quant à l’équipement, Albero utilisa d’abord un appareil photographique Isoflex, puis un Minolta et enfin un Rolleiflex qui a été son véritable appareil photo, celui avec lequel il a réalisé la plupart de son œuvre. Le Rollei, avec le système de vision supérieur, lui permettait de déplacer l’appareil à des lieux parfois bien cachés pour obtenir les images que l’œil ne voyait pas. Il pouvait lui appliquer une lentille macro, indispensable pour photographier les détails et les textures qu’une optique conventionnelle ne captait pas.

Arrivée l’ère numérique, Albero s’y incorpore dès le début et, malgré une grande nostalgie pour son Rollei, maintenant il travaille avec un Olympus compact et un Canon reflex, bien que dernièrement il avoue qu’il prend moins de photographies.

Albero est un photographe du noir et blanc même s’il a pris des photos en couleur. Mais il dit qu’il a toujours expérimenté la difficulté, tant ressentie par de nombreux photographes de sa génération, de ne pas pouvoir conclure le processus photographique avec le développement et le tirage, comme il le faisait dans son laboratoire. Le besoin de se rendre à des laboratoires étrangers faisait qu’il n’était jamais satisfait des couleurs obtenues, qui n’étaient pas celles qui s’étaient gravées dans sa rétine. En ce sens, les diapositives lui donnaient un meilleur résultat que le négatif en couleur. Mais il est toujours revenu au noir et blanc, à la recherche de la fidélité, à sa vision. Malgré ses réserves, il faut dire que ses images en couleur sont splendides comme nous pouvons le voir sur celles présentées dans le Catalogue du Portail Photographie en Catalogne. 

 

Vision 111.Photographie : Josep M Albero

 

Le parcours photographique d’Albero est celui d’un amateur très avancé, et bien qu’il n’ait jamais vécu de la photographie professionnelle, il a atteint un niveau d’excellence. Il a fait de nombreuses expositions individuelles et a participé à d’autres collectives. Il a publié ses images dans différents médias, comme les revues Destino, Presència, Ikonos, Arte Fotográfico, Imagen y Sonido, et il a obtenu différents prix. Le plus important est peut-être le Premier Prix NEGTOR en 1962, auquel participèrent et obtinrent des mentions inférieures des photographes de la taille d’Oriol Maspons,Alberto Schommer, Gabriel Cualladó ou Julio Ubiña, entre autres.

 

Kyrie Elesion. Prix Photo NEGTOR 1962.Photo : Josep Maria Albero

Actuellement, il est Président d’Honneur du Photo Club Terrassa et début 2018 il présentera deux expositions à la Bibliothèque Soler i Palet. Esclat, avec un recueil de 35 images de style documentaire en noir et blanc et Il·lusions, avec 35 photographies en couleur de ligne non figurative.

 

Josep Maria Cortina

 

Dues interessants exposicions recuperen la figura de Josep Maria Albero aquests dies, brindant-nos l'oportunitat d'admirar la seva obra en primera persona:
"Josep M. Albero: Batecs". Des del 13/01/2018 fins al 30/01/2018.
"Josep M. Albero: Il·lusions". Des del 03/02/2018 fins al 17/02/2018.
Ambdues a la Casa Soler i Palet de Terrassa.

 

OEUVRES DE JOSEP Mª ALBERO BOTELLA

 

Notes:

1Balcells, D et Ribalta, J: Jo faig el carrer. Joan Colom Fotografies 1957-2010. Édition MNAC, 2014.

2Revue AFAL FotoCine num. 36. Mai-décembre, 1962.

 

 

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